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Des boucles d’oreilles en pierre de jade et en forme de demi-cercle, de petits anneaux d’or travaillés par granulation ou gaufrage, des boucles en forme de disque décorées avec la technique de l’opus interrasile… Parle-t-on de collections joaillières de la place Vendôme ? Et bien, pas du tout. Les boucles d’oreilles décrites ont sublimé le visage de femmes respectivement en Mongolie intérieure (Chine) 8000 ans avant notre ère, en Mésopotamie à l’Age de bronze et dans la civilisation étrusque du VIe siècle avant JC. L’histoire des boucles d’oreilles, bijou qui aujourd’hui reste le plus porté par les femmes, est pour ainsi dire aussi vieille que le monde. Elles sont aussi les témoins de savoir-faire ancestraux dans le travail de l’or. Les Romaines affichaient leur rang social par le port de boucles d’oreilles grelots – les crotalia – ou en delta ornées de pendants. À la même époque, les Perses de l’Empire Parthe développaient leur maîtrise du métal précieux en travaillant savamment les formes de leurs boucles d’oreilles. Et pourtant, malgré ces débuts prometteurs, la boucle d’oreilles est tombée dans l’oubli en Occident à la chute de l’Empire romain. Il faut même attendre la Renaissance pour qu’elle retrouve ses lettres de noblesse. Les boucles d’oreilles réapparaissent en Italie sous forme d’un anneau orné d’une perle, puis la mode passe aux girandoles - en chandelier à trois branches où sont attachées trois pierres en formes de goutte – puis aux pendreloques - avec un pendentif unique en forme de poire -, modèles qui nous sont toujours communs aujourd’hui. La forme goutte, notamment, se retrouve beaucoup dans les boucles d’oreilles vintage.
La Révolution française ayant aussi bousculé les traditions bijoutières, elle signe l’avènement de boucles d’oreilles moins ostentatoires, plus plates et plus fines, les poissardes, néanmoins ornées de verre ou d’émail pour les plus travaillées d’entre elles. Les bijoux démonstratifs font leur retour sous Napoléon Ier, mais les boucles d’oreilles volumineuses seront tout particulièrement promues par une femme, la reine Victoria. Dans les années 1830 la naissance du style repoussé, où les feuilles d’or sont travaillées par gaufrage, rend ces bijoux plus léger. Cela dit, outre-Manche, la période victorienne est plutôt à la boucle d’oreille ostentatoire, aux longs pendants, ornée de toutes sortes de motifs, de pierres, de camées. Des anneaux d’or de l’Antiquité aux pendants de la Renaissance et du XIXe siècle, les différents types de boucles d’oreilles étaient donc déjà bien marqués avant la période contemporaine. On peut même ajouter les créoles, qui, rappelons-le, étaient portées par les esclaves du Nouveau monde pour signifier leur appartenance à leur terre d’origine. Mais il faut attendre le début du XXe siècle pour voir apparaître les puces d’oreilles qui semblent flotter sur le lobe : aux Etats-Unis, les Gibson Girls et leur chevelure surélevée popularisent les top and drop, alors constituées d’une simple pierre ou d’une perle. La France ne laisse pourtant pas aux Américains le privilège de la créativité, loin de là. Après tout, Paris n’est-elle pas déjà la capitale de la mode et du luxe ? Le joaillier-horloger Louis Cartier - à qui l’on doit déjà la montre d’aviateur Santos Dumont – donne naissance au style guirlande en 1910, en travaillant les sertis sur platine et non plus exclusivement sur or. Les grandes maisons de la place Vendôme et d’ailleurs multiplient d’ailleurs, à la même époque les matériaux et les formes, qui se font plus géométriques à la période Art Déco. L’apparition des boucles d’oreilles de grande dimension est favorisée par la mode des coiffures courtes, Van Cleef & Arpels invente le serti invisible, l’importation de la pierre de jade, du cristal de roche et du corail multiplie les possibilités.
L’histoire contemporaine des boucles d’oreilles est donc avant tout liée aux modes, à l’évolution de la société. Même le perçage des oreilles est soumis à ces tendances, oublié dans les années 1930 avec l’apparition du fermoir à clip, puis dans les années 1950, de retour vingt ans plus tard grâce aux équipements dédiés… Côté boucles, les dimensions extravagantes des années 1960 (marquées par l’avènement du bijou fantaisie) laissent place aux clous d’oreilles dans les décennies suivantes, que s’approprient également les hommes. C’est en réalité la route vers la démocratisation telle qu’on la connaît depuis le début des années 2000. Le piercing notamment ouvre de nouvelles possibilités. La boucle d’oreilles peut-être complétée par le bijou d’oreilles porté sur l’hélix ou en « Industrial » - une barre qui traverse l’oreille. Nombreuses sont d’ailleurs les Maisons de luxe à développer de précieux bijoux d’oreilles en or et de toute manière à créer les tendances ou à les suivre. La monoboucle est devenue courante à l’heure où porter des boucles d’oreilles dépareillées, en asymétrie ou en accumulation devient une affirmation de style. Et ce alors qu’une nouvelle tendance a fait son apparition, celle du ear cuff, littéralement la manchette d’oreille. Des joailliers comme Fred, Dinh Van, Dior ou Louis Vuitton, entre autres exemples, se sont d’ores et déjà engouffrés dans cette nouvelle vague.
Les types de boucles d’oreilles ont amené les bijoutiers à imaginer des fermoirs adaptés aux modes. Les dormeuses du XIXe siècle se portaient durant la nuit, pour ne pas laisser le perçage se reboucher, et donnent leur nom à un fermoir. Dans les années 1920, le port de boucles plus lourdes imposent la création du fermoir alpa, plus solide que le traditionnel fermoir à vis.
La boucle d’oreilles hommes nous vient du monde marin – et pas uniquement des pirates – et de l’Antiquité : l’anneau d’or ou d’argent se portait alors comme un talisman protégeant des naufrages. C’était également un rite de passage et un signe d’acceptation dans l’équipage. Chez les flibustiers, certaines pierres avaient également le pouvoir de faire disparaître le mal de mer.